— need u to need me - - jared —

(( sometimes, i just need a light )) - - et tu trembles encore en quittant les toilettes du gymnase après une bonne dizaine de minutes à vomir ton déjeuner. le prof de sport n’avait pas eu l’air de te croire quand tu lui disais être malade. « vous mademoiselle newman ? allez, cessez votre plaisanterie et aller vous mettre avec les autres. » qu’il avait dit. pourtant c’était la troisième fois que tu regagnais les toilettes pour vomir. il avait l’air d’avoir compris pour te sommer d’aller te reposer dans les gradins.
t’avais remarqué la présence de jared, assis tout en haut, dans un coin comme pour se fondre dans l’espace. jared, tu lui parlais pas beaucoup au lycée, t’avais plus souvent d’interactions avec lui quand il se retrouvait chez toi. tu savais. tu savais tout. mais tu savais surtout qu’il aimait ton frère. tu lui en avais beaucoup trop voulu. longtemps. tu l’avais maudit d’avoir fait ça à ta famille, d’avoir sali votre nom. mais peut-être que toi maintenant, t’étais la plus à même de le comprendre. toi qui étais follement amoureuse d’un garçon plus vieux que toi.
(( around the world and back again )) - - tu t’approches et décides de t’asseoir à côté de lui. tu cherches son regard, poses une main sur son épaule, un sourire compatissant. t’as pas idée de ce qu’il se passe, mais tu pressens que ça a un rapport avec ton frère. jared n’est rarement autant touché que par cody. « j’suis pas forcément la mieux placée pour te consoler, mais j’suis là pour toi... je crois que désormais, je te comprends mieux que personne ici... » que tu murmures comme si cette conversation devait rester un secret. ta main libre vient caresser instinctivement ton ventre encore plat que tu trouves pourtant déjà si gros... « moi aussi... moi aussi je suis amoureuse d’un homme plus vieux que moi. un peu comme toi et cody. »

L’corps qui s’efface avec les yeux dans l’vide - y’a rien autour, même le bruit s’étiole,
même les ombres s’endorment
face à ce v i d e énorme.
Assis sur les gradins, les genoux ramenaient à toi - t’es là
puis tu fais rien.
Tu changes parfois de position - tu clignes des yeux,
puis tu fais rien.
Même pas sûr d’avoir l’envie de faire quelque chose, n’importe quoi - de crier, de hurler à en perdre ta voix,
u]à te perdre, toi.[/u]
Même pas l’envie de verser une larme - après tout, je t’en ai déjà trop donné.
Ce matin, en me réveillant,
j’ai encore pensé à toi - puis je me suis regardé,
dans un miroir,
faisait même pas noir,
et pourtant j’ai rien vu, même pas mon reflet,
me souviens plus, y’avait ce truc difforme, imparfait.

Tu la vois s’approcher - sa sœur.
Plus l’envie de courir non plus (comme toi - comme toi qu’a plus l’envie de rien,
même d’aller simplement bien).
Elle s’assoit sans bonjour, et tu la regardes pas, tu gardes les yeux fixés sur les gradins grisés - sa main qui se pose sur ton épaule (quoi ? Elle sait ?
Ça t’étonnerait.
Cody, je te connais - sûrement que t’as rien dit,
sûrement que t’as repris ta vie,
sûrement que t’es allé voir l’autre connard, que tu lui as souri
et que tu t’es dit « maintenant je peux - je suis libre,
maintenant j’peux l’embrasser quand je veux,
comme je veux. »
Ouais.)
Tu fronces les sourcils à ses mots ambigus - comme si elle savait une miette de ce que c’était ta vie. De ce que c’était d’être toi - un adolescent qui s’résume à aimer les plus grands (t’es pas que ça -
mais les gens ils s’en foutent de ça,
tu devrais le savoir, Jared,
ça fait longtemps qu’on les écoute plus tes cris d’à l’aide.)
« Ah bon ? » que tu dis, un peu t r o p dubitatif (mieux que personne, ça te semble bien trop utopique - ça te semble faux,
quelque peu hypocrite).  
Tu la regardes, elle qui s’efforce à installer une sorte de confidence (avec toi qu’as pas vraiment envie de parler - ni même d’écouter.)
Elle vient toucher son ventre et tu te dis qu’elle doit être dans sa période (maman fait la même chose,
elle se touche le ventre et se plaint de tout - surtout des couteaux qui lui font mal sous la peau.)

Mais tu l’avoues, tu t’attendais pas à ça.
Tu hausses les sourcils, regardes ailleurs un peu surpris, un peu choqué (toi qui pensais être le seul taré - c’est ce qu’ils aiment dire en tout cas,
tout ceux qu’ont lu les journaux, qu’ont baissé les papiers immenses de leurs yeux
pour les poser sur toi, sur ton cœur condamnable, condamné, amoureux.)
L’a de la chance Esme. D’avoir échappé à tout ça,
à tout ce qui a merdé entre lui et toi.
« un peu comme toi et cody », ça te fait grimacer - ça te donne l’envie de vomir ou l’envie de pleurer. Tu regardes tes pieds, hoches la tête lentement,
t’essais de prendre de la distance, t’essais de paraitre intouchable - mort,
monotone (tout ce que t’aimes pas être en temps normal,
mais chez toi quand ça fait mal, ça fait toujours mille fois plus mal).
« heum… », finalement elle sait rien Esme. Cody lui a rien dit.
Qu’est-ce que t’attendais aussi ? (Tu pensais qu’il irait pleurer dans sa chambre,
qu’il irait serrer sa sœur en lui disant à quel point c’est un connard,
qu’il a perdu l’amour de sa vie, et qu’il s’en voudra au moins à l’infini ?)

Jared, arrête un peu tes conneries.

« On est plus ensemble. Genre- plus du tout. » plus du tout.
Comme pour lui signifier que cette fois-ci c’est différent - cette fois-ci, c’est pour de vrai.
Cette fois-ci, t’as pleuré, tu l’as embrassé et puis tu l’as quitté.
Et t’es parti.
Et ça fait quelques semaines maintenant.
Et plus aucun signe de vie.
« C’est qui cet homme plus vieux dont t’es tombé amoureuse ? J’espère il te fera pas de mal parce que sinon je lui colle un procès au cul moi », protecteur à deux balles,
c’est surtout que toi, t’es déjà fiché - déjà pris en photo,
les journaux qui s’affolent à ton nom (comme si c’était simplement
r i g o l o).
A vrai dire, t’es persuadé aussi que finalement, ils ont tous raison - qu’un adolescent et un adulte, ça peut pas marcher.
Que ça finit forcément par couler.
Après tout, t’as pas tenu devant l’ennemi,
plus fort que toi,
plus beau que toi,
plus vieux que toi.
Plus tout que toi.
T’as pas tenu - et maintenant t’as disparu,
le roi est déchu.