— livraison à domicile (jared) —

t’es pas bien certain d’être le bienvenue swann. si t’as le malheur de croiser la route du gamin colérique, tu pourrais bien perdre une autre de tes possessions. portable éclaté, persona non grata sur instagram, t’es persuadé que cette fois il ne reviendra pas vers toi. finalement, t’avais détruit ses pions sur l’échiquier à coups de bulldozer. finalement, t’étais parvenu à refroidir ses ardeurs de grand garçon. finalement, t’avais gagné la partie. piétiner le palpitant d’un adolescent de quinze ans, t’as connu plus valorisant. mais pour atteindre ton objectif, ça avait été suffisant. la vérité c’est qu’avec lui t’avais rien anticipé, rien calculé, rien orchestré. t’avais seulement enfoncé le doigt dans une plaie mal dissimulée, guidé par une pointe d’égoïsme et l’envie de blesser. t’avais salement exploité les faiblesses glissées au creux de l’oreille, et même quand t’avais cru vouloir l’aider tu l’avais seulement enfoncer. les pires pulsions éveillées, de celles qui t’avaient motivé à envoyer cette foutue vidéo en premier lieu. comme si tu t’sentais menacé par ce putain d’gamin, pour un trophée que tu voulais posséder par principe. il a raison jo, de dire que t’es pas un mec bien. jo, c’est le genre de vrai gentil lucide sur ces choses-là, capable de mettre à nu les pires aspects de toi.
et tu t’imagines encore naïvement pouvoir échapper à la confrontation, comme si t’avais accompli suffisamment de bonnes actions pour apaiser le karma. mais visiblement, avoir aidé madame jenkins à faire ses courses, tenu les cheveux de ta mère ce matin pendant qu’elle gerbait ses tripes et distribué des préservatifs aux âmes en perdition du centre, n’a pas permis de rétablir l’équilibre cosmique. parce qu’à peine planté devant la pelouse des ortiz, tu distingues la tête brune qui s’agite dans le jardin familial en compagnie d’un clébard au pelage blanc. c’est uniquement quand la bête fait entendre un aboiement et court dans ta direction que t’identifies sans aucun mal la race de l’animal. tu t’immobilises un instant, comme foudroyé par la constatation. la vie est une chienne, l’humour de dieu est encore pire. le berger suisse qui agite la queue, presque identique à celui qui t’attend confiné dans son enclos au sein du refuge. immédiatement, les connexions se font enfin dans le cerveau, neurones stimulés par la découverte inattendue. et tu comprends mieux, la réaction étrange de cody face à snow. comme si tu lui avais présenté un fantôme, celui de son semblable qui t’accueille d’un jappement sonore. tu t’accroupis finalement à son niveau, caressant le pelage pour l’amadouer. eeeh salut mon beau. t’interroges l’animal comme s’il allait t’apporter une réponse. tu crois qu’ton maître va m’en coller une ? les traits déformés par une grimace, tu délaisses le chien pour poser ton coude sur le colis à tes côtés dont la taille monte jusqu'à ton torse. il est dans l'coin ton père ? t'interroges l'adolescent qui se rapproche de ta silhouette.