— SWANN: QUI EST PRIS ET CELUI QUI VOUDRAIT ÊTRE PRIS —

tu détestes cette période de l’année swann, le grand nettoyage de printemps a de quoi te déprimer. imaginer ces seaux remplis à ras bord, ça te tord les tripes. cette eau qui dégouline sur les vitrines, ça te file la nausée. le père fowler qui engage toujours ses fistons auprès des autres habitants, promet que vous participerez activement aux évènements. cette année cet enfoiré a juré que tu aiderais pour le lessivage des vitres. comme s’il avait oublié, ta phobie. comme s’il s’en foutait, du frisson dans ton échine au son de ces trois lettres réunies. eau. c’est à peine si tu peux rester sous la pluie sans t’mettre à paniquer, parce que t’arrives à te convaincre que la quantité n’est pas assez grande pour te noyer. mais t’as toujours peur de rester coincé quelque part, que les gouttes deviennent des trombes, que les rivières débordent, te submergent. et la crise, te guette en permanence.
tu déambules sur le bitume, et t’as déjà le myocarde qui s’affole, se précipite contre la cage thoracique. tu scrutes avec méfiance les tuyaux d’arrosage indisciplinés entre les mains des gamins, les éponges imbibées qui s’envolent au milieu des rires, les récipients lancés contre les façades par de grands gestes. si tu concentres ton attention sur une autre tâche, tout devrait bien se passer. t’as qu’un seul objectif en tête : éviter le grand chêne. tu t’emploies à proposer un coup d’main à barney qui repeint la devanture de son magasin, débutes le dur labeur sans te soucier de la parole que ton père a donnée pour ton compte. mais ton répit est de trop courte durée. swann, tu sais que brittany te cherche partout ! la voix te fait sursauter, l’esprit apaisé soudain bien plus agité. la main de la ménagère qui se pose sur ton poignet, rouleau de peinture arraché des doigts travailleurs. elle peut pas te foutre la paix, la femme de barney ? quelle manque de reconnaissance, alors que t’es en train de les aider. va la voir, elle est au bout de la rue. allez oust. tu traînes des pieds, soupires jusqu’à la tête blonde peroxydée dont la bouche se fend d’un grand “O” lorsqu’elle t’aperçoit. mais swann oh bon sang, tu n’es toujours pas avec cette petite qui t’attend pour nettoyer la façade des simmons ? tu n’sais pas de qui elle parle, mais ça ne t’intéresse pas particulièrement. brittany, je suis désolé mais j’suis déjà occupé avec … je n’veux rien savoir, arrange toi avec elle au moins, ça fait une heure qu’elle poireaute. c’est la moindre des politesses. ok ok, ça va. tu grognes, concèdes le point sans grand enthousiasme en regrettant d’avoir cette putain d’image de fowler à laquelle tu dois coller le plus fidèlement possible.
le palpitant recommence sa course folle. au fil des pas, la sensation est de plus en plus désagréable. la certitude que quelque chose de grave va se produire, d’un danger imminent qui t’étreint les boyaux. compresse la gorge, la respiration saccadée qui devient bruyante. le regard repère aussitôt le seau soulevé du sol. ça te fait presque perdre l’équilibre, déclenche une suée qui coule le long de la nuque. les pupilles braquées sur la flotte qui fait des vagues, t’ignores totalement la silhouette au bout de ces mains trop graciles pour être assassines. ça pourrait être ta soeur, que tu n’en aurais pas conscience. écoute j … j’peux. j’peux p … p … pas. t’as pas le temps de terminer ton explication, que la mort s’abat sur toi. cascade d’eau qui s’écrase sur le crâne, fait disjonter le cerveau. t’es pas bien swann, ça s’voit dans tes opales qui s’vident de tout éclat. ça t’fait pas marrer, mais ça t’fait pas non plus dégoupiller. t’es un peu comme pétrifié par le regard de la gorgone, comme si ta vie subitement, était mise en pause. ça dure peut-être quatre secondes, avant que les mirettes s’écarquillent, une frayeur profonde au fond de la rétine. les mains qui agrippent ton t-shirt, déchirent le tissu au niveau de la manche alors que tu marmonnes des voyelles incompréhensibles au milieu de “putain” répétitifs. t’arrives plus à penser, boule de nerfs secouée de tremblements incontrôlables. les doigts s’accrochent subitement autour des bras de la fille, commencent à la secouer. tête baissée vers le sol, t’as les vertiges qui t’font vriller, les poumons qui cherchent à se remplir alors que t’as la sensation d’étouffer. d’ailleurs ça s’entend, que t’es en train de t'étouffer avec de l’air. on dirait, que tu vas clamser là, tout d'suite. tu t’rends pas compte swann, que c’est terminé, la crise de panique bien entamée. comme un dément échappé d'un asile, tu continues d'agiter, de transpirer, de suffoquer.
c'est sûr cette fois, tu vas crever.