— Jun Moon || Lee Taeyong —

L’histoire commence dans les rues bondées de la belle ville. Seattle est grande, elle donne des ailes, elle donne une touche poétique à ce prologue qui s’inscrit dans ce regard qui s’éternise. Coup de foudre intense entre eux, drôle de coïncidence qui les pousse à se découvrir dans le détail d’un quotidien qui se partage rapidement à deux. Un amour dont l’encre coule fatalement sur les pages du premier chapitre de ta vie. Été 94, ton cri fend l’air pour la première fois et les larmes de ta mère s’échouent sur les traits de son si beau visage. Jun. Elle ose enfin prononcer ces lettres qui portent dans leurs accords sa raison d’exister.


Elle s’essouffle. Les lettres se forcent, perdent de leur élégance, plume d’un amour qui s’épuise dans les courbes de ton récit. Leurs cœurs ne vibrent plus de la même façon, l’harmonie s’écroule sans que tu puisses en comprendre les raisons. L’encre coulera une dernière fois, rature radicale apposée au bas d’une page qui acte officiellement la rupture entre ces deux êtres blessés. Résignés.

Le second chapitre de ta vie s’écrira à la lourdeur des larmes qui s’échappent de tes yeux. Inconsolable, tu laisseras Seattle disparaître dans l’horizon, sans qu’on t’en laisse vraiment le choix, au profit du silence de Twadogs Hill. L’an 2000, porteur de tant de promesses qui s’échoueront toutes une à une dans la détresse des sanglots de ta mère. La douleur de ces années s’insinue sous la pointe de la plume qui ripe sur le papier de ton histoire. L’encre d’un chagrin qui se dissipe au cours d’une lecture qui s’apaise, jusqu’à ce que tu deviennes l’auteur de ta propre vie.

L’insouciance règne encore dans ton regard curieux. Tu veux découvrir le monde qui t’entoure, avide d’un savoir aux mille couleurs du ciel. Passions étrangères que tu savoures du bout des lèvres, emporté par une spirale émotionnelle qui te fait vibrer aux lueurs de ces couleurs vives, qui parsèment ton monde. C’est à l’encre de tes veines que se dessine ce troisième chapitre, celui de la vie, criard de son rouge cinglant, mais si poignant. Sentiments qui embrasent ton cœur et ton esprit, tu en perdrais presque la tête, mais l’euphorie n’est que de courte durée. Jeunesse arrachée dans un souffle atrophié. Tu tournes le dos à l’insouciance de ces années pleines de folie pour enlacer la sagesse et la dureté de la vie. La vie perd de sa saveur, de sa couleur, l’encre se ternit sur la page. Il est temps d’ouvrir un nouveau chapitre.

Bourrasque estivale qui murmure l’arrivée prochaine de tes dix-huit ans. Tu es censé n’être qu’un gosse pourtant, la mine qui s’écrase contre la feuille trop blanche est d’un noir profond. Jouvence corrompue par le poids des responsabilités, mais tu recouvres ta légèreté dans ces notes de musique qui teintent la page de douce couleur. Tu rouvres la voie au rêve dans les profondeurs de ces nuits trop courtes, où tu laisses les traits se tordre dans ces paroles mélodieuses qui dévorent les lignes d’un carnet que tu gardes secret. L’horizon se revêtit finalement de ces couleurs oubliées, tantôt pâles, tantôt vigoureuses. Nuancées elles redéfinissent tes humeurs, le cadre de ta vie et ton histoire. Jusqu’à sombrer vers un contraste qui signa la fin d’un quatrième chapitre distingué.

Impertinence dans ces lettres que tu macules dans la noirceur de l’encre. Univers sombre avec lequel tu joues, du bout des doigts, mais pas seulement. Du bout des lèvres aussi, tu taquines le monde à ta portée. C’est indécent, audacieux parfois, maître d’un jeu dont tu ne te lasses pas, mais il arrive parfois que le doute s’immisce en toi, venin vicieux qui agite bien plus que les battements de ton cœur. En ces nuits où les couleurs se contredisent et se confondent, tu peines à trouver le sommeil. Incapable d’oublier certaines cicatrices héritées d’une réalité qui t’a volée ton enfance. Des insomnies que tu transformes sous le pinceau de ta créativité, en notes de musique qui te gardent éveillés jusqu’aux premiers rayons du jour. Lumière iridescente qui ne t’accueille plus avec la chaleur d’antan, comme si tu ne lui appartenais plus. Incompatibles, tu préfères encore la douceur lunaire pour montrer le bout de ton nez et poursuivre l’écriture de ta si belle aventure…

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